Mediator: pourquoi le procès est suspendu

Mediator: pourquoi le procès est suspendu

Auteur : FORTUNET Eric
Publié le : 21/05/2012 21 mai mai 05 2012

Les avocats de Jacques Servier ont engagé une bataille procédurale pour faire reporter le procès du Mediator. Le tribunal correctionnel de Nanterre statuera sur leurs demandes le 21 mai. Explications.

Pourquoi le procès du Mediator est-il suspendu?
Parce que les laboratoires Servier ont lancé une féroce bataille procédurale pour faire reporter, voire annuler, le premier procès pénal du Mediator. Me Hervé Témime, avocat de Jacques Servier, a déposé lundi deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) - l'une sur la prescription du délit de tromperie et l'autre sur la dualité des juridictions saisies - et réclamé une expertise judiciaire ainsi qu'un supplément d'information. Le tribunal correctionnel de Nanterre a suspendu le procès jusqu'à 21 mai à 14h30, date à laquelle il statuera sur les demandes de la défense.


Pourquoi deux juridictions sont-elles saisies?
Jacques Servier est visé par deux procédures pénales: l'une à Paris et l'autre à Nanterre. En septembre, le fondateur du laboratoire pharmaceutique a en effet été mis en examen pour "tromperie aggravée et escroquerie". Le volet "escroquerie" a été ajouté au cours de l'été par le parquet de Paris. Pour ce dernier, avoir maquillé un anorexigène en médicament pour bénéficier du remboursement des organismes sociaux, est susceptible de constituer une escroquerie à la Sécurité sociale et aux mutuelles. Cette instruction - procédure approfondie menée à charge et à décharge par un juge d'instruction saisi par le procureur de la République - n'est pas terminée et pourrait durer encore plusieurs mois avant la tenue d'un éventuel procès. C'est pour cette raison que les avocats des victimes ont choisi en février dernier une voie plus rapide: celle de la citation directe pour "tromperie aggravée", cette fois devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Celle-ci permet aux victimes de saisir directement le tribunal sans avoir à demander au procureur de la République d'ouvrir une enquête ou de saisir un juge d'instruction. Dans ce cas de figure, l'instruction se fait alors au cours du procès. Un pari risqué car la lourde tâche d'apporter les preuves revient aux victimes qui n'ont pas accès aux investigations menées à Paris. "Les victimes vont devoir apporter la preuve que l'infraction pénale de tromperie est constituée - éléments légal, matériel et intentionnel - et que cette infraction commise génère pour elle un préjudice, dont elle demande l'indemnisation", précise Me Eric Fortunet, avocat au barreau d'Avignon. Si les victimes ne parviennent pas à apporter ces preuves, le procureur de la République, même s'il n'a pas l'initiative de la procédure, fera vraisemblablement appel de la décision, précise le conseil joint par L'Express.


Les droits de la défense sont-ils bafoués par cette double procédure?
Me Temime avance que nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Or, le tribunal correctionnel de Paris et celui de Nanterre sont saisis pour les mêmes faits de "tromperie aggravée". Cette dualité des juridictions fait craindre à Me Fortunet un "risque d'opposition des décisions". Que se passera-t-il si Nanterre et Paris ne statuent pas de la même façon? Nanterre pourrait par exemple opter pour une requalification pénale du délit sans être suivi par Paris.

Autre danger soulevé par l'avocat du barreau d'Avignon: des procès à répétition. "Chaque victime, sur le modèle de Nanterre, peut décider de saisir son tribunal correctionnel afin d'engager une citation directe contre le laboratoire. Or, Jacques Servier n'a commis qu'une infraction. Il ne peut donc être condamné qu'une seule fois. Il est en ce sens assez cohérent que les avocats du laboratoire demandent la tenue d'un seul et même procès."

SourceCet article a été publié par l’Express.fr, suite à l'interview d'Eric FORTUNET.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © lenets_tan - Fotolia.com

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